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Loi Duplomb : les abeilles au cœur d’un combat politique

Loi Duplomb : les abeilles au cœur d’un combat politique

Depuis son adoption, la loi Duplomb ne cesse de faire parler d’elle. Et pour cause : elle ravive un débat brûlant entre impératifs agricoles et défense de l’environnement. À l’origine de cette controverse, un nom qui inquiète bien des apiculteurs : les néonicotinoïdes, ces insecticides soupçonnés de mettre en péril les populations d’abeilles. Face à cette législation, les réactions fusent, entre colère, incompréhension et appel à la prudence. Petit tour d’horizon d’un sujet aussi sensible que complexe.

Le 8 juillet 2025, le Parlement a voté l’adoption de la désormais célèbre « loi Duplomb », du nom du sénateur Laurent Duplomb. Ce texte autorise, sous certaines conditions, le retour temporaire d’un néonicotinoïde : l’acétamipride. Jusqu’ici, ces substances étaient interdites en France depuis 2018. Mais le gouvernement a décidé de rouvrir la porte à cette molécule, invoquant la nécessité d’aligner la France sur ses voisins européens, où son usage reste permis jusqu’en 2033. Une décision qui soulève plus de questions qu’elle n’apporte de réponses.

Zoom sur l’acétamipride : l’insecticide qui fait débat

Appartenant à la famille des néonicotinoïdes, l’acétamipride agit directement sur le système nerveux des insectes. Pour les abeilles, une exposition — même minime — peut entraîner une désorientation totale. Elles ne retrouvent plus leur ruche, ce qui met leur colonie en péril. L’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) a d’ailleurs émis plusieurs avertissements, allant jusqu’à recommander de revoir à la baisse les seuils d’exposition tolérés. Même si cette substance n’est pas la plus toxique de sa catégorie, elle suscite des inquiétudes, notamment à cause d’un de ses métabolites soupçonné d’avoir un impact sur la santé humaine. Autrement dit, le problème dépasse largement le simple sort des abeilles.

Les apiculteurs montent au créneau

Pour les professionnels de l’apiculture, ce vote a été vécu comme un véritable coup de massue. L’UNAF (Union Nationale de l’Apiculture Française) a dénoncé un « recul historique » et un affront à toute une filière déjà fragilisée.

  • Les abeilles exposées à l’acétamipride perdent leur capacité à revenir à la ruche. Cela menace directement la production de miel et la survie des colonies.
  • Les promesses de contrôle autour de l’utilisation du produit ? Jugées irréalistes. Les apiculteurs redoutent une contamination généralisée : nectar, pollen, plantes voisines, et même l’eau.
  • Un autre danger pointé du doigt : les dérogations temporaires pourraient bien devenir la norme. Et ce serait la porte ouverte à une généralisation insidieuse.
  • Tout cela vient s’ajouter aux autres défis du secteur : le frelon asiatique, le parasite varroa, et des conditions climatiques de plus en plus extrêmes.
  • Et enfin, beaucoup y voient un reniement pur et simple des engagements environnementaux pris ces dernières années par la France.

Des positions tranchées : la fracture entre agriculture et écologie

Cette loi a creusé un fossé entre les défenseurs de l’environnement et certains représentants du monde agricole. Chaque camp avance ses arguments avec force.

Ceux qui s’y opposent fermement

  • UNAF : Pour eux, cette loi est une trahison. Elle met en péril les abeilles, les apiculteurs et, par ricochet, l’environnement tout entier.
  • Agir pour l’Environnement : L’ONG parle de « loi poison » et n’hésite pas à évoquer un « trumpisme à la française ».
  • Greenpeace : Ils dénoncent une soumission totale à l’agro-industrie, au détriment de la santé publique et de la biodiversité.
  • Terre de Liens : L’association alerte sur la disparition progressive du métier d’agriculteur et l’appauvrissement des sols.
  • Avenir Santé Environnement : Leur alerte concerne autant la biodiversité que les risques pour notre santé.

Et ceux qui défendent la loi

  • FNSEA : Pour le principal syndicat agricole, il est indispensable de garantir une équité de traitement avec les agriculteurs européens. L’acétamipride serait, selon eux, parfois la seule solution efficace.
  • Coordination Rurale : Même son de cloche. Ils plaident pour un soutien aux producteurs français face à une concurrence européenne non soumise aux mêmes contraintes.
  • Le gouvernement (via Agnès Pannier-Runacher) : La ministre a adopté une posture plus prudente, indiquant attendre les recommandations de la Commission européenne. Elle résume la position officielle ainsi : « La boussole, c’est la science. »

Que dit la science, justement ?

Sur le plan scientifique, les études sur les néonicotinoïdes ne manquent pas, mais leurs résultats sont parfois contradictoires. Tout dépend du cadre de l’expérimentation.

Dans les labos ou en conditions semi-naturelles

Les effets sont clairs et préoccupants :

  • Les abeilles mangent moins, leur température baisse, elles deviennent moins fécondes et perdent leurs repères.
  • Les colonies peinent à se développer normalement et les mortalités individuelles grimpent.
  • Leur comportement change : elles nettoient moins bien la ruche, se déplacent avec difficulté, ne s’orientent plus.

Mais sur le terrain ?

Les résultats sont plus nuancés. Pourquoi ?

  • Parce que les doses administrées en laboratoire sont parfois bien plus élevées que celles rencontrées en pleine nature.
  • Parce qu’il n’existe pas de méthode unique pour évaluer l’impact sur le terrain. Difficile donc de comparer les études entre elles.
  • Et surtout parce que les abeilles sont résilientes. Elles compensent parfois les pertes par une production accrue de nouvelles ouvrières.
  • Enfin, la mortalité des pollinisateurs dépend de multiples facteurs : maladies, parasites, destruction des habitats, autres pesticides… Impossible d’isoler une cause unique.

La science, donc, alerte, mais sans pouvoir trancher définitivement. Ce flou alimente encore davantage les tensions autour de cette loi.

Et maintenant ? Quel avenir pour les abeilles… et pour les champs ?

Le débat est loin d’être clos. Certains opposants envisagent déjà de saisir le Conseil constitutionnel. En parallèle, une question revient sans cesse : quelles alternatives aux pesticides chimiques ? Le monde agricole a besoin de solutions pour protéger ses cultures, mais à quel prix ? Car sans abeilles, il n’y aura pas de pollinisation. Et sans pollinisation… pas de récolte.

Protéger les écosystèmes tout en assurant une agriculture performante : voilà un défi immense, mais inévitable. Il faudra bien, un jour, trouver un équilibre. En attendant, les abeilles, elles, continuent de butiner… à leurs risques et périls.

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